Rencontre avec Madi Krimo, journaliste et consultant web
« Depuis l’arrivée des TIC, les personnes handicapées jouissent de plus d’autonomie »
Madi Krimo est un journaliste et consultant web, âgé de 35 ans, diplômé de l’université d’Alger, spécialité science de journalisme, promotion 2006. Ce jeune journaliste exerçant à la radio algérienne, la radio Chaîne II plus précisément, en tant que journaliste a réalisé plusieurs émissions, dont une émission sur les TIC. Il est actuellement chef de département, responsable du site web de la Chaîne II et son handicap physique ne l’empêche pas d’aller de l’avant et d’exercer sa vie en toute autonomie. Nous l’avons interrogé à propos de l’accès aux TIC pour les handicapés et il ne dissimule pas son optimisme quant aux progrès réalisés dans ce domaine.
Que représente Internet pour les personnes handicapées ?
Depuis l’arrivée d’Internet en Algérie, les personnes à mobilité réduite retrouvent une certaine autonomie dans leur vie quotidienne : le travail, la communication, l’éducation et les loisirs. En d’autres termes, le web propose des solutions pratiques à leurs préoccupations. Internet représente donc, chez ces personnes, l’insertion : être indépendant dans la vie.
En quoi les TIC peuvent faciliter la vie quotidienne des personnes handicapées ?
Bonne question ! Les TIC répondent aux besoins et exigences de différentes communautés de populations : femmes, enfants, travailleurs et particulièrement les personnes handicapées. Grâce aux TIC, les non-voyants pourront lire, écrire, enseigner, communiquer, sur différents supports tels que le PC, le mobile et la tablette. Mais il faut doter seulement ces technologies par des logiciels spécifiques (synthèse vocale), qui sont téléchargeables gratuitement à partir d’Internet. Idem pour les sourds-muets qui peuvent suivre des formations dans le domaine informatique et travailler normalement, car le visuel compense leur handicap. Ensuite, le téléphone mobile pour les non-voyants facilite le contact avec leur entourage, garantit leur accessibilité à tous les niveaux et l’arrivée de la 3G leur offre même la possibilité d’avoir des repères (chemins, gares,….), et cela grâce à l’application mobile de géolocalisation. Concernant l’accessibilité pour les personnes handicapées moteurs, les voitures qui sont aménagées grâce aux technologies facilitent leur vie quotidienne, surtout ceux qui font le déplacement régulièrement pour rejoindre leur poste de travail. En tous les cas, les TIC offrent beaucoup de facilités pour ces personnes.
Qu’est-ce qui est proposé aux handicapés en Algérie ?
Le développement des TIC dans notre pays a un impact positif sur l’ensemble de la société en général, les personnes handicapées en particulier. Par exemple, la mise en place de l’administration électronique fournit des facilités intéressantes pour cette population. L’e-administration permet aux personnes handicapées d’avoir leurs documents d’état-civil sans se déplacer. Il est aussi important de souligner que le service audiovisuel, particulièrement le livre en version numérique dédié aux personnes handicapées visuelles, se trouvant au niveau de la Bibliothèque Nationale El-Hama, démontre concrètement la volonté des responsables d’assurer l’accès à l’éducation pour tous, même si l’établissement ne dépend pas du secteur de la solidarité. A l’avenir, le paiement électronique assurera davantage l’autonomie des personnes handicapées dans leur quotidien : payer à distance les factures (l’eau, l’électricité,….) à partir du PC ou du mobile, effectuer des achats via Internet, etc.
Pouvons-nous estimer qu’en Algérie, nous disposons d’applications adaptées pour les personnes handicapées et notamment les enfants scolarisés ?
Des applications adaptées pour les personnes handicapées, et notamment pour les enfants scolarisés, ne sont pas encore introduites dans l’institution scolaire. Certes, il y a des efforts individuels dans ce volet, qui sont à encourager. A titre d’exemple, lors de l’événement BeMyApp (concours d’applications mobiles) à Oran fin 2013, certains jeunes participants ont développé des applications à vocation humanitaire. Exemple: «BloodAid», une application destinée à faciliter l’opération de don de sang, et «Sellefli 3aynik» (Prêtes-moi tes yeux), une application destinée essentiellement aux non-voyants. Elle permet à un non-voyant de «sortir» de l’isolement professionnel, culturel et social que lui impose souvent son handicap, en l’intégrant dans un système de solidarité citoyen où chacun peut facilement contribuer. Ce type d’initiative devrait être financé par les organismes concernés, car ce genre de création propose directement des solutions aux problèmes des handicapés.
Avons-nous un programme d’intégration permettant aux élèves handicapés de suivre un programme éducatif spécifique ?Dans une conférence portant sur le thème «le rôle des nouvelles technologies de la communication dans l’insertion des enfants handicapés au milieu scolaire» en mai 2014, vous avez parlé de la technologie d’assistance pour les enfants handicapés scolarisés. Pouvez-vous nous parler de cette technologie ? Que vise cette approche ? Peut-on estimer qu’en Algérie, il existe une stratégie nationale et globale d’insertion des personnes handicapées ?
A ma connaissance, non. Seules les écoles pour aveugles sont dotées de Cyber-Braille (salle d’Internet pour les jeunes non-voyants). Dans ce type de conférence, j’essaye de susciter un débat constructif concernant l’apport des TIC dans les milieux scolaires pour les enfants handicapés. Ma démarche vise essentiellement à expliquer l’importance de l’intégration des TIC auprès des responsables du secteur de l’éducation et du secteur de la solidarité nationale afin d’assurer une meilleure scolarité de ces enfants. Il est donc nécessaire que tous les acteurs de la société adhèrent à ce projet pour assurer l’égalité des chances à tous les citoyens. Malheureusement, les professionnels du secteur (les entreprises, les institutions chargées de la question), y compris les associations humanitaires, privilégient « le social » quand il s’agit de financer des programmes à l’égard de cette frange de la société, alors que les programmes des TIC concernant l’intégration des handicapés font défaut.
Comment les TIC peuvent-elles rendre la vie meilleure aux handicapés ?
Les réseaux sociaux offrent de grandes opportunités de divertissement pour les personnes handicapées, cloitrées chez elles. C’est déjà un moyen de sortir de la solitude et de se faire des amis, et de débattre avec les internautes. Il serait intéressant d’effectuer des études sociologiques et psychologiques dans ce domaine afin de mieux cerner la demande et les attentes de cette population. Les TIC permettent aussi toutes sortes de divertissements, tels que la musique, les films, la lecture,… Pour finir, j’aimerais attirer votre attention sur un fait capital : chaque projet, grand ou petit, proposé par les institutions étatiques devraient prendre en compte cette frange de la société, afin qu’elle bénéficie des mêmes droits et des mêmes obligations que le reste de la population. Je citerais l’exemple du site de l’AADL, lors de la dernière inscription en ligne. Ce dernier n’a pas prévu une case spécifique pour les handicapés, au même titre que la case « femme divorcée », etc. Car le traitement de leurs dossiers nécessite une prise en charge particulière, ce qui est d’ailleurs prévu par les textes de loi. Une personne à mobilité réduite devrait être reçue dans des conditions aménagées afin de lui faciliter les démarches administratives.