Contrefaçon dans les TIC: l’Algérie, l’eldorado du faux

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L’Algérie figure parmi les pays les plus touchés par le phénomène de la contrefaçon dans le domaine des nouvelles technologies. Les logiciels ensuite les téléphones portables et à moindre degré les jeux vidéo sont les marchés les plus affectés par ce fléau.



Ce qui attire l’attention surtout, c’est le fait que la contrefaçon soit favorisée par de nombreux facteurs. En aval, ce marché attire principalement par les prix étonnamment bas des produits qui y sont proposés. Le marché des logiciels, par exemple, est littéralement ravagé par la contrefaçon. Ce sont d’ailleurs les faux logiciels qui ont propulsé l’Algérie dans la sphère des pays les plus touchés par les produits copiés dans le domaine des technologies. Aujourd’hui, la plupart des logiciels des grands développeurs mondiaux présents sur le marché algérien sont copiés. Le numéro un mondial dans ce domaine occupe également la première position parmi les marques les plus copiées en Algérie.

Les représentants de Microsoft en Algérie affirment, d’ailleurs, que 84% des produits vendus sous leur label sont des faux. Les autres développeurs ne se portent pas mieux que le leader du marché. Il suffit, vraisemblablement, qu’un développeur soit réputé au niveau international pour que ses produits soient copiés et vendus en Algérie et dans les autres pays dits émergeants, tout particulièrement. La différence entre les prix des produits originaux et ceux de leurs copies représente un argument imparable pour la plupart des utilisateurs locaux visiblement pas très regardants sur la qualité des produits.

Les développeurs internationaux qui en savent suffisamment sur le marché algérien ne s’offusquent presque plus en apprenant que des copies de leurs logiciels sont massivement achetées par des particuliers. Ce qui semble les inquiéter, en revanche, c’est le fait que des entreprises se permettent d’acheter des logiciels contrefaits pour faire des économies. Pour expliquer les choses de manière un peu plus prosaïque, les développeurs ne tolèrent pas que des entreprises gagnent de l’argent en utilisant des logiciels dont elles n’ont pas payé les vrais auteurs. Plus grave encore, les logiciels contrefaits ont trouvé leur chemin vers les administrations publiques, ce qui est pour les développeurs une véritable aberration. Il s’agit donc d’une situation inextricable à laquelle on ne pourrait imaginer une solution radicale ou, pour le moins, pas dans l’immédiat.

Un autre élément vient compliquer davantage la situation. Il s’agit de l’absence d’une loi obligeant les développeurs de déclarer leurs produits de façon officielle avant de les lancer sur le marché. Contrairement aux CD de chanson par exemple, les développeurs ne sont pas obligés de protéger leurs logiciels auprès de l’Office National des Droits d’Auteurs (ONDA). Dans ce contexte, ce qui semble être une largesse décidée par un législateur éclairé s’avère être un inconvénient. Ne pas être obligé de déclarer les nouveaux logiciels auprès de l’ONDA fait justement que l’ONDA soit incapable de savoir le nombre exact d’exemplaires d’un logiciel existant sur le marché. Il est donc impossible de savoir dans quelle
proportion un logiciel a été copié. Les développeurs algériens, pour leur part, ne sont pas touchés par le phénomène de la contrefaçon ou rarement en raison de la demande existant sur les marques internationales au même titre, d’ailleurs, que leurs copies. Pour de multiples raisons directement liées aux difficultés du marché algérien, très peu d’entrepreneurs investissent dans le domaine des logiciels. Un domaine jugé encore risqué.

La sensibilisation comme solution

Afin de faire face à ce phénomène, des développeurs internationaux, réunis dans la Business Software Alliance, ont signé un contrat de partenariat avec l’ONDA. De façon sommaire, le contrat prévoit des cycles de formation pour les agents de l’office afin de faire la différence entre les vrais logiciels et les faux. Parallèlement, l’ONDA et les représentants locaux des grandes marques entament différentes actions allant dans le sens de la sensibilisation par rapport aux risques inhérents à l’usage des logiciels contrefaits. Même si la volonté ne fait pas défaut, rien ne garantit que la simple sensibilisation soit capable de renverser une situation dans laquelle l’industrie du faux semble bien installée.

Les portables copiés en progression

La contrefaçon des téléphones portables progresse elle aussi. Il y a à peine quatre ans, seuls les accessoires vendus sur le marché algérien étaient contrefaits. Aujourd’hui, ce sont des appareils entièrement copiés qui font la concurrence aux produits originaux. Là aussi, les prix sont déterminants. Ce qui a favorisé le développement de la contrefaçon dans le secteur de la téléphonie mobile est, par-dessus tout, la nouvelle orientation prise par le marché algérien. Après les produits de luxe, les algériens semblent de plus en plus tournés vers des produits simples et parfois bas de gamme. Proposer donc aux consommateurs des appareils semblables aux produits de luxe à des prix très abordables convient parfaitement à l’état d’esprit actuel du consommateur algérien. Outre les téléphones contrefaits, généralement originaires de Chine, des appareils également chinois commencent eux aussi à inonder le marché. Ceux-ci sont proposés à des prix relativement bas.

De leur côté, les jeux vidéo copiés sont très prisés par les consommateurs locaux qui peuvent en profiter sans les payer à prix forts. Les jeux originaux proposés à des prix prohibitifs sont plus rares et assez peu demandés. Les portables, comme les jeux vidéo, sont introduits sur le marché algérien par des importateurs ou par des particuliers et trouvent naturellement leur place dans un marché où le prix est un élément clé et où le contrôle est rare. Le phénomène de la contrefaçon dans le domaine des nouvelles technologies est manifestement en progression, alimenté par différents ingrédients qui en font un véritable mal chronique.


Contrefaçon de logiciels : les développeurs locaux épargnés


Même si l’Algérie figure parmi les pays les plus atteints par le phénomène de la contrefaçon des logiciels dans le monde, les développeurs algériens ne semblent pas en faire grand cas. Il semblerait, en effet, qu’ils ne soient pas directement affectés par ce fléau. Du côté de l’Association Algérienne de Sociétés de Services et Editeurs de Logiciels (Aassel), l’on précise à ce propos que les logiciels développés par des entreprises algériennes ne sont pas particulièrement visés par les contrefacteurs. « Les éditeurs algériens de logiciels professionnels ne souffrent par réellement du phénomène de la contrefaçon. Ce sont en fait les logiciels des grands éditeurs mondiaux qui sont copiés ». Les logiciels développés localement ne sont pas copiés ou rarement pour des raisons évidentes. Ces logiciels sont généralement destinés à des professionnels ayant des besoins spécifiques et ne font pas l’objet d’une grande demande sur le marché. D’un autre côté, les logiciels mis au point en Algérie sont assez rares en comparaison avec l’ensemble des produits du même genre introduits régulièrement sur le marché algérien. Ce qu’il ne faut pas perdre de vue non plus, c’est le fait que les produits locaux sont à la fois concurrencés par des produits étrangers originaux et par des produits contrefaits proposés à des prix très abordables. Cependant, le problème le plus sérieux qui se pose dans ce secteur c’est, sans nul doute, le fait que les algériens hésitent beaucoup à créer des entreprises spécialisées dans le développement des logiciels. Manifestement, la création d’une entreprise spécialisée dans ce domaine et son maintien sur le marché soit une tâche des plus ardues.« Il n’y a pratiquement pas d’investissement dans le domaine des logiciels. Personne n’ose franchir le pas en raison des nombreux problèmes rencontrés sur le terrain. Même si les pouvoirs publics font preuve de bonne volonté, la situation reste très difficile », avait déclaré il y a quelque temps, M. Mokhtar Aiad, le président de l’Aassel. Les développeurs locaux de logiciels sont vraisemblablement épargnés par le phénomène de la contrefaçon, ce qui est probablement positif mais certainement pas flatteur. ( suite p.2)