Le projet phare du plan e-Algérie, le Cyberparc de Sidi Abdellah, peine à attirer les startups et à devenir un véritable pôle d’activités des TIC, trois ans après son inauguration. Pourtant, cet outil avait tout pour participer au développement des startups : une infrastructure ultramoderne, la présence d’un incubateur d’entreprises et des bureaux proposés à des loyers très modérés. Le Cyberparc de Sidi Abdellah est composé d’un immeuble central de 20 000 m2, divisé en deux parties : un centre d’affaires, et un hôtel d’entreprises, reliés entre eux à travers un hall commun. L’immeuble dispose de la connexion à Internet via l’ADSL, WiFi, le Wimax ou encore le FTTH (fibre optique). L’incubateur d’entreprises, d’une superficie de 9 800 m2, propose aux porteurs de projets et aux startups des formations dans la gestion d’entreprise, et du coaching grâce au comité pédagogique et technologique de l’incubateur.
Deux formules existent pour installer sa société au Cyberparc : la location d’espace de bureaux au niveau du multi-locataire, avec un loyer mensuel de base de 1 000 DA/M² (hors taxes et charges), ou la concession et la cession de terrain à terme. Pour en bénéficier, il faut appartenir à l’une des catégories suivantes : entreprises privées et publiques dans les TIC, accélérateurs (institutions ou entreprises offrant des services permettant d’accélérer la création et l’expansion des entreprises TIC), les services de soutien aux entreprises, les services de recherche et développement, les instituts, écoles ou universités dans les TIC, et enfin les équipements de loisirs et les petits commerces. Aujourd’hui, le nombre de startups présentes au Cyberparc est de 14 seulement. Plusieurs raisons ont empêché l’émergence de plus de startups au Cyberparc : l’éloignement du site le rendant difficile d’accès, des problèmes autour du site (électricité, routes, propriété des terrains), mais surtout l’absence d’une action coordonnée avec l’ensemble des acteurs du monde des TIC, qui inciterait de jeunes diplômés à se lancer dans l’aventure de l’entrepreneuriat. Youcef Aklouf, le directeur général de l’Agence Nationale de Promotion et de Développement des Parcs Technologiques (ANPT), estime qu’il est temps que le Cyberparc joue pleinement son rôle.
« Faire du Cyberparc de Sidi Abdallah la Silicon Valley algérienne »
Est-ce que le Cyberparc est devenu le pôle d’activités des TIC qu’il ambitionnait d’être ?
Pas encore. Notre leitmotiv au Cyberparc, c’est commençons petit, voyons grand, et allons vite. Nous voulons vraiment faire de ce pôle la Silicon Valley algérienne, avec le concours des startups, du ministère et de tous les pouvoirs publics. Je pense que nous sommes sur le bon chemin. Nous suivons une feuille de route, avec une série d’évènements qui vont avoir lieu. Ce mois-ci (avril), nous avons lancé une plateforme de test de la 4G, qui a été installée par Nokia Siemens Networks.
Combien d’entreprises ont loué des bureaux au multi-locataire du Cyberparc ?
Actuellement, nous avons 42 entreprises installées au multilocataire du Cyberparc. Il ne nous reste plus qu’un seul espace à louer. Il faut savoir que le multilocataire ne fonctionnait qu’à 50% il y a encore quelques mois, c’est donc encourageant. Au niveau des porteurs de projets, nous en sommes à 58, et le nombre de startups s’élève à 14. Notre capacité d’accueil est de 15 startups. Il y a toutefois un problème d’accessibilité lié à l’éloignement du Cyberparc. Nous comptons le régler en mettant en place des lignes de bus, qui vont relier à partir du second semestre de cette année les différentes universités d’Alger au Cyberparc. Nous aimerions également franchir un palier en bénéficiant de la concession de terrains pour que des entreprises puissent venir construire chez nous.
Le multi-locataire est-il rentable ?
Il devrait l’être à partir de cette année. Avant, nous étions toujours déficitaires. Nous comptons par ailleurs lancer une consultation pour revoir les consommations d’électricité, afin que chaque locataire paye en fonction de sa consommation, et non pas un
forfait.
Quid des concessions de terrains ?
Nous avons régulé les prix en les revoyant à la baisse. Il reste des problèmes de litiges de terrain à régler, car nous ne sommes pas entièrement propriétaires des terrains. Nous espérons régler ce problème au plus vite pour pouvoir lancer d’autres appels pour venir construire ici.
Êtes-vous satisfait par le nombre de porteurs de projets ou de startups qui sont venus solliciter l’aide du Cyberparc ?
Non, pas vraiment. De par mon expérience dans l’enseignement (M. Aklouf a été professeur à l’Université des Sciences et de la Technologie Houari Boumediene, ndlr), je me sens proche des étudiants, et je veux les inciter à créer leur startup. J’ai fait une proposition afin que l’incubateur soit réorganisé, pour pouvoir réserver un étage pour les porteurs de projets, et un autre étage pour les startups, ce qui portera leur nombre à 32 au lieu de 15 actuellement. Dans ma vision, les startups qui existent vont aider les porteurs de projets, en étant des exemples pour eux. De même, les entreprises présentes ici pourront donner des travaux à réaliser pour les startups. Nous voulons créer un véritable écosystème. Pour résumer, nous voulons que le porteur de projet qui vient avec une idée, puisse être aidé à faire mûrir cette idée, faire un business plan, et créer son entreprise. Puis, plus tard, faire de cette startup une entreprise pérenne, qui puisse se développer sur le plan national, et pourquoi pas international. Il faut être ambitieux, car nous avons des compétences qu’il faut mettre à profit.
Est-ce que vous faites en sorte de créer des liens entre les porteurs de projets et le monde de l’entreprise, afin qu’ils ne soient pas seulement coachés par des universitaires, mais aussi par des entrepreneurs ?
Les porteurs de projets sont amenés à devenir des entrepreneurs, ils doivent donc être sensibilisés à l’aspect entrepreneurial. Nous voulons faire appel à plus de chefs d’entreprises, qui peuvent être séduits par une idée, la prendre en charge, voire la financer. Nous avons actuellement deux universitaires et deux chefs d’entreprises qui opèrent ici en tant que coachs. J’espère en amener plus. Par ailleurs, nous sommes en contact avec l’ANSEJ pour voir comment travailler ensemble. Nous leur avons demandé par exemple de favoriser les dossiers de création d’entreprise dans les TIC, et de les orienter vers le Cyberparc. D’autre part, le Ministre de la Poste et des TIC nous a encouragé à aller voir les autres ministères, les administrations, pour leur présenter les startups qui sont au Cyberparc. Nous essayons de convaincre Mobilis, qui est présent ici, de sous-traiter sa direction des systèmes d’information (DSI) à des startups situées ici.
Y a-t-il eu des actions concrètes du FaudTIC ?
Le financement de l’incubateur s’est fait grâce au FaudTIC. On espère financer de la même façon les incubateurs de Ouargla, Annaba et Oran, ça nous aidera à développer nos actions. Toute entreprise dans les TIC peut demander un financement via le site du FaudTIC, qui est en ligne. Nous avons par exemple une startup ici qui a postulé pour le FaudTIC et qui a eu un financement. Nous voulons aider toutes les startups qui viennent au Cyberparc à avoir un financement.
Comment rendre le Cyberparc attractif aux entreprises existantes et aux futures entreprises ?
A mon arrivée, il y avait beaucoup de problèmes autour du Cyberparc. Par exemple, des problèmes au niveau des routes, des problèmes d’électricité. Des actions ont été entreprises pour améliorer ces deux choses en particulier. Nous aurons bientôt une station qui va nous fournir directement l’électricité dont nous avons besoin. Pour les routes, le problème est que nous dépendons du plan d’aménagement global. Il y a par exemple une sortie d’autoroute qui doit être construite pour permettre d’accéder directement au Cyberparc, sans passer par le village de Rahmania. Nous attendons qu’elle soit mise en place. Un autre projet consiste à créer des routes pour rallier les bâtiments du Cyberparc entre eux. En ce moment, nous sommes en train de clôturer le Cyberparc pour plus de sécurité.
Avez-vous des exemples de startups qui ont réussi ?
Il y a par exemple l’entreprise Ayrad, qui fait de l’hébergement, et qui a démarré comme startup chez nous, avant de grandir. Cette société a mis en place son propre Data Center. C’est ça la réussite du Cyberparc pour moi : voir une startup démarrer petit à petit, puis passer à un stade supérieur avec notre concours.
Dans quels secteurs se situent généralement les sociétés que le Cyberparc aide ?
Nous faisons la promotion de toutes les entreprises, à partir du moment où il y a un lien avec les TIC. Nous avons des projets sur la santé, l’agriculture, etc. Toute idée qui touche les TIC peut amener quelque Il existe un projet qui concerne l’énergie renouvelable, un autre qui propose un robinet intelligent pour la gestion de l’eau, etc. Le but est que chaque cyberparc à travers le pays puisse booster l’économie locale.
Quelles actions entreprenezvous pour aider les jeunes entreprises à avoir accès au marché ?
Beaucoup de startups se plaignent de ne pas avoir accès au marché. Il faut que nous, à l’ARPT, mettions en place un réseau qui permettra aux jeunes d’entrer en contact avec ces entreprises. C’est vital pour la pérennité des startups. Nous y travaillons.
Avez-vous des investisseurs étrangers ?
Nous avons eu quelques propositions, nous y réfléchissons. Nous sommes prêts à ramener des spécialistes dans le domaine des technopoles, car il est important de profiter de l’expérience qu’ont acquis certains pays plus avancés que nous dans le domaine. Beaucoup de gens à l’étranger sont prêts à faire des choses pour l’Algérie. Récemment, nous avons reçu une délégation d’Algériens qui travaillent à la Silicon Valley. Ils étaient très intéressés par les projets qui se lançaient ici, et j’ai senti chez eux une réelle envie de travailler avec les jeunes startups et les porteurs de projets. Mais il faut être pragmatique: les éventuels partenariats avec les étrangers doivent déboucher sur du concret.