Interview avec M. Ali KAHLANE : PDG de STALINKER. "21 millions d’Algériens utilisent le téléphone mobile alors que 2,5 millions seulement utilisent Internet !"
N'TIC : Quel est le bilan de l’ouverture du secteur des télécommunications en Algérie?
L’ouverture du secteur des télécommunications est l’un des secteurs dont l’ouverture a été ressentie par tous les Algériens et n’en a laissé pratiquement aucun indifférent.
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En effet, nous comptons actuellement, selon les chiffres de l’ARPT (Autorité de Régulation des Postes et Télécommunications), près de 21 millions d’utilisateurs de téléphones mobiles. Cela nous donne une densité téléphonique mobile de près de 60% alors qu’elle était de 0,26% en 2000.
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Savez-vous, par exemple, que nous sommes classés 28ème place à l’échelle mondiale, devant le Maroc, la Tunisie et même le Canada.
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Notre télé-densité (mobile + fixe) est passée de 5,28% en 2000 à plus de 65% actuellement.
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Avec trois opérateurs GSM et un quatrième qui serait sur les starting-blocks, avec la création de 120 000 emplois, dont près de la moitié directs, avec un réseau maillé fibre optique qui atteint actuellement 26.000 kms (seulement 7000 km en l’an 2000), il est vrai aussi, parce que l’appétit vient en mangeant, que ce secteur enregistre encore, bon an mal an 700 000 demandes de lignes fixes ainsi que plus d’un million de lignes téléphoniques sans fil (appelée Boucle Locale Radio ou WLL), mais si nous nous cantonnons uniquement à l’arithmétique pure des chiffres donnés par la Régulation, cette ouverture est manifestement un succès !
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<b>N'TIC : Où situez-vous l’Algérie en matière de développement des NTIC (internet précisément) par rapport aux voisins ?</b>
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Je ne peux pas m’empêcher de rappeler, en regardant dans le rétroviseur, intérieur – car l’extérieur est surtout utile pour dépasser, malheureusement nous sommes pas encore à ce stade - que dans les années 70 et jusqu’au début des années 80, notre Pays, non seulement était-il largement en avance sur tous ses voisins, y compris l’Afrique du Sud, en introduisant les TIC (appelé Informatique à l’époque) dans tous les secteurs : les Chèques Postaux, la Sonatrach, Air Algérie … mais se payait même le luxe d’avoir la première Ecole d’Informatique en Afrique, qui formait des ingénieurs de niveau international car reconnu par l’Unesco, le CERI (l’actuel INI d’Oued Smar).
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Une léthargie s’installa au milieu des années 80, au lieu d’avancer, l’Algérie, n’ayant apparemment bénéficié d’aucune inertie, commença à reculer. Très vite, la « décennie noire » la happa dans son tourbillon douloureux, nos gouvernants avaient fort à faire, le développement des TIC et leur utilisation pour la masse était hautement secondaire et les actions allant dans ce sens étaient anecdotiques.
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Nous totalisons actuellement près de 2,5 millions d’internautes, avec moins de 2500 serveurs connectés alors que l’un de nos plus proche voisins totalise plus de 5 millions avec plus de 4000 serveurs.
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<b>N'TIC : Pouvez-vous-nous présenter l’AAFSI ? Quel est son but ? combien de providers regroupe-t-elle ?</b>
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L’Association Algérienne des Fournisseurs des Services Internet a été créée en 2002 par un groupe de Fournisseurs de Services et d’accès d’Internet, appelés aussi « Providers ». Notre association est supposée participer à l’élaboration des politiques en matière de TIC.
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En plus de représenter tous les providers du domaine, son but principal est de veiller à la qualité du service fourni à l’ensemble des utilisateurs de l’Internet en travers d’une équité commerciale aussi bien entre les membres eux-mêmes qu’avec l’opérateur historique (NDLR : Algérie Télécom) principal pourvoyeur de bande passante. L’ARPT dit avoir délivré plus de 100 licences.
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N'TIC : Quels sont les problèmes vécus par les Providers algériens dans l’exercice de leur activité INTERNET ?
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Dans tout pays l’avènement de l’Internet et des TIC en règle générale, a permis un bond en avant, avec des entreprises qui se créent dans le domaine de l’accès, des services Internet, dans le domaine du matériel et maintenance et surtout dans le domaine du développement de contenus (intranet, sites et portails web) cela induit une création d’emplois directs et indirects qui fait entrer le pays dans une logique et une dynamique de développement continues et progressives.
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La régulation, sous l’impulsion politique, qui a permis le lancement d’autres réseaux ou services, tels que le GSM, Le VSAT, le GMPCS (NDLR : Global Mobile Personal Communications by satellite), la VoIP, le WiMax, semble s’être occupée admirablement des télécommunications et de la communication orale ainsi que de leur support mais n’a pas fait grand chose pour les fournisseurs/créateurs de contenus. La communication orale semble primer sur l’écrite ! Est-ce dû au fait que la « Licence » octroyée et non pas achetée par des gens intéressés par un apparent rapide retour sur investissement et d'un autre côté un régulateur qui ne se soucie pas de cette « licence » au rabais, en fait tout simplement gratuite.
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<b>N'TIC : Quel est sa contribution dans l’amélioration de l’utilisation des nouvelles technologies et de la situation des providers en Algérie ?</b>
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Les ISP constituent le principal vecteur de pénétration de l’Internet dans notre pays et représentent le relais essentiel avec les utilisateurs. Disposant du savoir-faire, ils sont et seront les principaux exécutants de la politique des TIC. Notre profession doit être organisée et lever les véritables professionnels des TIC. Outre les enregistrements (De noms de domaine) et hébergements de sites, les ISP devront être producteurs et distributeurs d’informations en ligne, ce qu’on appelle aussi la production de contenus, aussi bien à travers leur portail, qu’en participant activement aux montages et à la mise en place des autres.
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Sous d’autres cieux les maîtres mots sont : “Content, anytime, anywhere on any device ! », autrement dit la convergence des technologies va permettre une explosion du contenu qui peut dorénavant être consulté sur les trois écrans (3screens : PC, GSM et TV). Ceci pour dire que du travail il y en aurait pour longtemps et pour tout le monde !
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<b>N'TIC : Pouvez-vous nous donner quelques chiffres en rapport avec le nombre d’abonnés actuel aux connexions haut débit, le nombre de sites algériens ? et de là nous faire une petite comparaison avec les voisins ?</b>
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En effet il faut différencier le nombre d’abonnés, les « toujours connectés » comme on les appelle (Always-on) du nombre d’internautes. D’après des sources alternatives, généralement sûres, il y aurait 200 000 connectés à l'ADSL. Pour le RTC (Réseau de Télécommunication Commuté, le téléphone) 50 000 continuent à se connecter en utilisant directement leur ligne téléphonique avec le « 4 chiffres ».
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La ligne Spécialisée (LS) est utilisée par 2000, alors qu’environ 3200 ont un VSAT et moins de 500 utilisent le WiMax. L’utilisation du réseau de téléphonie mobile pour se connecter en utilisant les technologies EDGE, GPRS etc. reste très marginale, car surtout utilisée pour le mail chez les 3 opérateurs.
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Tout cela, ramené au nombre d’utilisateurs (et non pas à la connexion) cela nous donne un peu plus de 2,5 millions d’internautes.
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En ce qui concerne les sites web algériens, il y a trois grandes catégories :
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1. Ceux qui ont été déclarés en Algérie est où le déclarant (propriétaire du nom de domaine) réside aussi en Algérie, et donc finissant en .DZ, nous en comptons sur le site du CERIST (le « registrar » et le gestionnaire du domaine algérien ) un peu plus de 1 200 noms.
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2. Ceux qui ont été déclarés à l’étranger mais dont le propriétaire a déclaré résider en Algérie, Ce sont les noms de domaines qui se terminent par .com, .net, .org etc … nous en comptons, aujourd’hui selon une agence de l’ICANN, exactement 2791 noms actifs.
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3. Ceux qui ont été déclarés à l’étranger et dont les propriétaires ont « omis » de déclarer qu’ils résidaient aussi en Algérie, donc non résident en Algérie, mais dont les sites sont manifestement algériens, une étude interne en a dénombré a totalisé un peu plus de 1000.
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Cela nous donne un total aux alentours de 5000 noms de domaines. De là dire que nous avons 5000 sites web, cela est un pas que je ne peux sauter. Car un site est d’abord défini, par son nom de domaine enregistré (acte de naissance), mais aussi par son existence sur le web (lorsque vous tapez <b>www.nomdedomaine</b> cela doit ramener au moins une page d’accueil).
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Il reste le plus gros son contenu, et cela, vous l’avez deviné c’est une autre histoire, d’où le pas que je ne voulais pas sauter !
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<b>N'TIC : Vous avez parlé dans une interview accordée au quotidien Elwatan du développement de l’industrie du contenu. Pouvez-vous nous en dire plus ? </b>
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L’analyse des chiffres donnés plus haut nous interpelle à plus d’un titre :
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- Le nombre ridicule de sites en .dz.
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C’est l’existence même de l’emblème national sur l’Internet dont il est question ici ! Imaginons un instant ce que pensera de nous le Monde, si, par exemple, lors d’une foire à l’étranger à laquelle participeraient des entreprises algériennes privées et publiques ainsi que des institutions nationales, elles se mettraient toutes à pavoiser d’autres couleurs (le drapeau US, le drapeau anglais et le drapeau fran¢ais !) au et place de l’emblème national sur leur stand ?
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Tout cela en déclarant, qu’ils sont algériens mais en fait… ils résident autre part qu’en Algérie ou mieux, encore qu’ils sont algériens mais qu’ils préfèrent ne pas le dire car ils ne résident pas en Algérie non plus !
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- Sur le nombre de 5000 noms/sites web donné plus haut, 80% ne sont théoriquement donc pas « algériens ». Il est vrai que le gestionnaire actuel du .dz ne simplifie pas les choses.
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Aucune promotion du domaine algérien :
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Procédure d’enregistrement très compliquée et une charte de nommage des plus opaques sinon existante.
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Pour avoir du contenu algérien, il faut plusieurs éléments. En plus de la volonté de le faire et le préparer sérieusement, ce qui va de soi par les temps qui court, il faut la confiance dans l’Internet comme moyen ultime de communication tout azimut (et non pas un acte de présence, quand ce n’est pas un exutoire désordonné), la confiance dans le .DZ et la confiance dans nos ISP et l’expertise nationale en général.
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<b>N'TIC : Comment justifiez-vous le fait que votre association n’ait pas de site internet ?
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(www.aafsi.org ne marche pas)</b>
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En fait le site est www.aafsi.net, il annonce une page qui dit qu’il est effectivement actuellement en maintenance.
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<b>N'TIC : Vous êtes aussi à la tête de la société Satlinker. De l’ADSL à la création de sites, au réseau sans fil, Satlinker propose une variété de services en rapport toujours avec les nouvelles technologies de la communication.</b>
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Satlinker, anciennement SWAN Informatique, est un ISP qui fait de l’accès avec l’ADSL, en partenariat avec Eepad, ainsi qu’au moyen du VSAT, pour la petite histoire, nous avons été la première société privée à avoir introduit le VSAT en Algérie en juin 1999.
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<b>N'TIC : Pouvez vous nous présenter ces activités ? </b>
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La clientèle de Satlinker est presque entièrement composée d’entreprises privées, publiques et institutions ainsi que de quelques Cybercafés pour leur accès. Nous sommes bien évidemment présents dans l’hébergement que nous sommes entrain de migrer vers le pays aussi bien en .dz que pour les autres terminaisons (les CCTLD). Elle prend en charge ce qu’on appelle, la « Présence Internet » d’une entreprise qui va de la connectivité (ASDSL ou VSAT), en passant par l’installation d’un réseau (étude et câblage ou sans fil), l’installation et la configuration des postes, mise en place d’une messagerie d’entreprise interne et externe, mise en place d’une sécurisation du réseau jusqu’à l’enregistrement du nom de domaine et le développement et maintenance du site web qui lui sont associés.
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La société fournit aussi des liaisons de vidéoconférence entre n’importe quelle partie du globe et n’importe quelle partie du territoire national avec une mise en place qui peut se faire en moins de 72 heures.
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<b>N'TIC : Quels est la différence entre une connexion ADSL et une connexion par satellite ?</b>
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- L’ADSL utilise la ligne téléphonique terrestre pour connecter un abonné à l’Internet en même temps qu’il garde sa ligne téléphonique fonctionnelle.
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La ligne téléphonique est donc obligatoire.
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Le matériel se limite à un modem (pas plus gros que 2 boîtes de cigarettes) à installer chez soi d’un côté on branche la ligne téléphonique de l’autre le PC.
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En plus du coût de l’abonnement téléphonique il faut rajouter l’abonnement Internet de l’ordre de 800 DA/mois pour la moins chère des connexions.
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- Le Satellite exige un matériel spécifique qui est composé d’une antenne parabolique de plus de 1m de diamètre composée de deux têtes (une pour l’émission et une autre pour la réception), un routeur (de la taille d’un démodulateur TV numérique) de câble spécial pour connecter le tout. Il n’y a qu’un seul abonnement celui de la bande passante mais dont le prix pour le moins cher est au moins de 11.000 DA.
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Le VSAT n’utilise pas la ligne téléphonique, au contraire, il peut en fournir une ou plusieurs pour ceux qui en veulent ou qui n’y ont pas accès.
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<b>N'TIC : L’un des avantages de la connexion par satellite c’est qu’elle est adaptée aux zones isolées, contrairement au réseau filaire. Mais en Algérie les régions éloignées des points de raccordement ne sont pas les bénéficiaires de cet avantage, comment expliquez-vous cela ?</b>
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La raison est la haute fiabilité de la connexion satellitaire et la stabilité de la bande passante : qualités recherchées par l’utilisateur qui ne veut pas ou qui ne peut pas se permettre d’avoir une connexion tatillonne ou franchement médiocre.
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<b>N'TIC : Pensez-vous que d’ici à quelques années les prix d’internet par satellite seront abordables d’une façon à permettre aux habitants des régions isolées de se connecter au monde ?</b>
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Oui car l’avenir est dans le tout sans fil qu’il soit par satellite ou par un autre moyen, appelez-le WiMax, UMTS ou autre NGN.
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Ce ne sera plus le matériel qui coûtera ni la connexion elle-même, mais le contenu ! Nous paierons pour le contenu quel qu’il soit. D’où mon cri d’alarme qu’il ne faut pas qu’on rate la bataille du contenu, qui se joue à l’échelle planétaire.
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<b>N'TIC : Quels sont les moyens que l’Etat doit attribuer au développement des nouvelles technologies de communication pour rattraper le retard ?</b>
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Donner dans les actes de tous les jours la priorité au développement des TIC dans tous les domaines.
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Commencer par les promouvoir dans les institutions qui sont le plus en vue et dont le contenu est recherché par tous les citoyens tels que les Wilayas, les APC, les institutions qui doivent communiquer avec le public tels que le ministère de l’intérieur, la Justice (institution qui semble être très avancé par rapport aux autres), le tourisme, la solidarité, la santé etc.
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Nous sommes dans l’ère où c’est l’information qui va vers l’homme et non pas l’inverse.
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Source : N'TIC N13