Téléchargement illégal en Algérie: QUAND INTERNET DEVIENT SOURCE DE PIRATAGE

Numéro dossier: 63

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La Toile a vécu un début d’année 2012 particulièrement agité avec la fermeture de MegaUpload, l’emblématique site de téléchargement direct qui hébergeait des milliers de contenus (musiques, films, séries, logiciels,...), suivi de la réaction du collectif de hackers Anonymous, qui s’est attaqué à bon nombre de sites accusés de soutenir cette mesure. L’occasion est toute trouvée pour faire le point sur toutes les formes que peut prendre le piratage sur Internet, les conséquences de la fermeture de MegaUpload sur le téléchargement de contenus, les problèmes de droits d’auteurs, sans oublier une sélection de commentaires reçus sur notre page Facebook.



Fin de MegaUpload : retour à l’âge de peer ?


µtorrent en cours de téléchargement…installation en cours…recherche du torrent du dernier blockbuster…lancement du téléchargement…on va dormir et au petit matin…Magie ! Le film est là ! Cette démarche, beaucoup d’internautes la suivent. Il s’agit de récupérer du contenu grâce au peer to peer. Ici, on télécharge des fichiers qui existent chez de multiples utilisateurs partout dans le monde. Avec le peer to peer, il n’y a pas de base de données centrale, il y a autant de sources que d’utilisateurs connectés à un moment T. Vu qu’il ne s’agit pas d’une structure unique aux contours bien déterminés, on peut soi-même devenir la source de quelqu’un d’autre. Par conséquent, aucun modèle économique ne peut être bâti sur le peer to peer.

Internet est un monde utopique. Quand vous faites l’acquisition d’un logiciel téléchargé, il ne disparaît pas du disque dur d’origine. Imaginez un monde d’abondance, de ressourcesalt illimitées. Dans un monde pareil, l’argent ne peut exister car si l’offre devient infinie, les prix deviennent nuls. Dans cette logique de partage et d’accès à la culture sans limites, d’autres voies de piratage des contenus culturels ont vu le jour, MegaUpload en a fait partie.

Contrairement au peer to peer, il s’agit là d’une base de données centrale. Plus besoin d’attendre de télécharger les contenus, on peut simplement les consulter en ligne. Cette évolution technique a assuré la suprématie de MegaUpload, mais pas seulement. Ici, la base de données peut être contrôlée, son accès peut être restreint. Fini la surabondance sauvage, et c’est dans cette restriction qu’une économie a pu naître. Ainsi, payer pour avoir un plus grand accès au contenu de MegaUpload s’est révélé être un choix facile pour moult utilisateurs vivants dans le monde moderne (celui où le paiement en ligne existe). Cette source d’enrichissement pour le patron du site n’a pas été du goût de tout le monde, vous connaissez la suite. La fin de MegaUpload signe le retour du peer to peer comme seul recours pour accéder aux contenus culturels pour des millions de gens dans le monde.

Internet fait-il de nous des criminels en puissance ?


La gratuité, voilà un mot qui fait désordre. Dans toute industrie, y compris celle de la musique et du cinéma, le profit est le seul aboutissant acceptable pour tout producteur, tout investisseur. La valeur artistique et culturelle est l’affaire de l’artiste, du passionné, du critique, de l’intellectuel. Elle sert même parfois de catalyseur pour la consommation (le consommateur étant attiré par du contenu à haute valeur culturelle…parfois). Cependant, sous la casquette du producteur, du distributeur, ou du patron d’industrie, la gratuité…est un mot qui fait désordre. L’illusion de la gratuité est quant à elle un formidable vecteur de consommation. 1 acheté, 1 offert ! X minutes de conversation gratuites ! Quand le consommateur pense qu’il a accès à quelque chose de gratuit, il passe plus facilement à l’acte d’achat et paye indirectement toutes les prestations sensées être gratuites… Le marketing compte ainsi le cynisme dans son arsenal.

Imaginez alors que dans un espace hors de contrôle, la gratuité existe. Non pas l’illusion du gratuit, mais bel et bien l’acquisition de biens sans contrepartie. De plus, cette acquisition donnerait l’impression de ne voler personne : physiquement, le film qu’il y a sur votre disque dur n’a pas été effacé de votre source de téléchargement, il « existe » partout, et nulle part. Le consommateur a été conditionné depuis des lustres à considérer qu’un produit gratuit est un produit parfait (le rapport qualité/prix atteint l’infini pour un prix nul). Le problème avec Internet est que les conséquences économiques sur l’industrie ne sont pas ressenties par le consommateur. L’industrie « perd » de l’argent mais à l’échelle du consommateur, cela n’a aucune importance. Pire encore, dans notre marché, tous les DVD sont des fichiers téléchargés par peer to peer puis gravés et vendus. Nous sommes organisés dans la banalisation la plus totale du non respect des droits d’auteurs, et pour cause, l’accès à la culture et au divertissement représente pour le consommateur une valeur supérieure au respect des droits.

Droits d’auteurs Versus accès à la culture : que faire ?


Deux remarques préliminaires : premièrement, il est inconcevable de mettre sur un pied d’égalité l’internaute algérien et l’internaute occidental. D’une part parce que la bande passante dont nous bénéficions est largement inferieure, et d’autre part car le paiement en ligne est indisponible, et quand il sera là, les tarifs en devise demeureront intouchables par la majorité des utilisateurs. Deuxièmement, toutes les politiques au monde sont pour l’instant devant un constat d’échec face au piratage. D’une part parce que les décideurs ont rarement une compétence en informatique, d’autre part parce que la réactivité des internautes que permet la technique va à des vitesses que les débats parlementaires ne peuvent concurrencer. Un peu comme face à une fuite que l’on colmate avec le doigt et qui provoque d’autres fuites à côté, même le plombier FBI n’a pas assez de doigts pour fermer toutes les fuites de contenu culturel sur la Toile. Maintenant que cela a été établi, il est honnête de reconnaitre que pirater du contenu culturel provoque un manque à gagner qui menace l’existence de certaines productions.

Cependant, couper l’accès à ce même contenu rend sa production caduque. Qu’est-ce qu’un film s’il n’est pas vu ? Qu’est-ce qu’une musique si elle n’est pas écoutée ? Alors oui, d’autres modèles peuvent être proposés, mais les peuples émergeants dont la révolution du web ouvre des perspectives de révolution culturelle risquent d’être complètement mis de côté, s’il arrivait que le piratage des oeuvres disparaisse. Pour solutionner le problème, il serait bien inspiré de reprendre le modèle économique instauré par MegaUpload. La notion de « Licence globale » serait la bouée de sauvetage de l’industrie et la culture réunies. Il s’agit par ailleurs d’une proposition de loi soutenue par des groupes politiques de gauche en Europe. Il suffit d’estimer la consommation moyenne d’un internaute en termes de contenus culturels et de fixer un prix d’abonnement mensuel qu’il paierait en même temps que sa facture internet. Comme la télévision anglaise (BBC) et sa redevance que paye le téléspectateur, ce qui représente son unique source de financement, Internet serait une source de contenu culturel qui ne serait plus payé à l’unité (par fichier) mais par une cotisation qui engloberait l’ensemble de la consommation de l’internaute. Le nombre écrasant des internautes permettrait de réduire ce prix à une valeur accessible par tous. Cela suppose que les films ne soient pas disponibles sur le Net tant que leur période d’exploitation dans les salles obscures n’est pas terminée. Cela engendre aussi la fin des DVD et la domination exclusive du contenu dématérialisé, c’est-à-dire exonéré des frais d’empaquetage et de transport.

Finalement, cela signerait la fin des films en résolution douteuse, filmés en douce par un spectateur au cinéma avec un caméscope caché dans sa manche, et permettrait de ce fait d’avoir du contenu de meilleure facture visible par tous. La licence globale exige de l’industrie de changer ses méthodes de production et de s’adapter à ce modèle économique nouveau et imposé par le progrès technique couplé aux données psychologiques qu’il engendre. Elle demande aussi du courage politique et un consensus loin d’être atteint pour l’instant. Encore une fois, y compris sur le plan des solutions, Internet reste avant-gardiste. Pendant que les tergiversations et que des modalités de répression inefficaces traînent en longueur, le piratage lui a de beaux jours devant lui.

MegaUpload a-t-il fermé à cause de MegaBox ?


Et si la principale raison pour laquelle MegaUpload a été fermé par le FBI était le lancement prévu de MegaBox courant 2012 ? Cette offre 100% légale aurait permis aux artistes d’être rémunérés à 90%, grâce aux revenus tirés des abonnements et de la publicité ! Une véritable révolution dans l’industrie musicale, puisque ce système imaginé par Kim Dotcom aurait abouti à la suppression des intermédiaires que sont les éditeurs et les distributeurs. On imagine l’inquiétude que devait susciter MegaBox pour les majors du disque Universal Music, Sony Music ou encore Warner. « Universal Music Group sait que nous allons rivaliser avec eux en lançant notre propre plateforme de musique en ligne. Un site qui permettra bientôt aux artistes de vendre leurs créations directement aux internautes tout en permettant aux artistes de récupérer 90% des revenus », expliquait à ce sujet Kim Dotcom avant son arrestation. Plusieurs journalistes et blogueurs sont aujourd’hui persuadés que cette arrestation est plus liée à ce projet qu’au piratage via MegaUpload. MegaBox devait d’ailleurs être suivi de MegaMovie, soit le même service appliqué au cinéma. (suite p.2)