Internet a bouleversé la perception des droits d’auteurs, particulièrement sur le marché de la musique et des films. Cette technologie planétaire offre en effet de multiples possibilités d’accéder gratuitement aux oeuvres de l’esprit en évitant de verser les droits d’auteurs et les redevances associées. Un autre phénomène accentue la difficulté: le piratage qui a pris ces dernières années une dimension inquiétante. En Algérie, il n’existe pas de loi spécifique qui « punit » le téléchargement illégal de contenus Internet. Ce vide encourage les internautes à recourir à la contrefaçon sans avoir peur des conséquences sur le plan légal. Un simple détour aux alentours des marchés d’Alger nous renseigne sur cette situation. Le marché, dit « parallèle », est rempli de DVD et DVX de films récents piratés en toute impunité.
Ainsi, un premier constat s’impose: depuis plus d’une quinzaine d’années et avec la vulgarisation d’Internet, la propriété intellectuelle est passée du statut de question technique réservée à un cercle d’experts à celui de sujet de société majeur. Le web 2.0 marque l’avènement d’Internet comme vecteur de communication pour l’ensemble des acteurs de nos sociétés : chacun est présent sur le web, peut y créer du contenu et y puiser l’information de manière de plus en plus exclusive. « On assiste nécessairement à une démultiplication des comportements illicites et à une aggravation de leurs conséquences. Les nations se livrent une concurrence féroce pour figurer en tête de l’économie mondiale de l’immatériel et de la société de l’information », souligne Maître Nafaâ Laribi dans une communication sur le « Droit de la propriété intellectuelle et technologies numériques ». Selon lui, depuis la vulgarisation d’Internet, on est en droit d’affirmer que le premier actif en propriété industrielle victime d’atteintes est la marque.
Le cybersquattage est un phénomène qui a pris une très grande ampleur et continue aujourd’hui à en prendre malgré les efforts et les solutions existantes. Au milieu des années 90 et jusqu’à octobre 1999, la lutte contre le cybersquattage était sur le fondement de la contrefaçon de Marque et/ou la concurrence déloyale devant les tribunaux judiciaires.Abdelghani Benaired, avocat, mandataire agréé en propriété industrielle et enseignant, souligne dans son livre « La protection des droits d’auteur à l’épreuve de la contrefaçon: étude comparative (Algérie-France) » : « l’ordonnance algérienne relative aux droits d’auteur est inappliquée, incomplète et illisible et cela se constate par la rareté des actions devant les juridictions, le taux du piratage très élevé et l’essor des marchés informels de la contrefaçon ainsi le téléchargement illégal sur Internet ». Depuis plus de vingt ans, on tente avec plus ou moins de succès d’appliquer les règles du droit d’auteur et du brevet aux programmes d’ordinateur et aux diverses composantes de la technologie informatique.
Bien que la majorité des auteurs semble s’être accommodée de la situation en regard de la protection des logiciels, l’apparition de l’autoroute de l’information et des oeuvres multimédias met aujourd’hui le système à rude épreuve. L’expérience des quinze dernières années démontre de façon indéniable que ni le droit d’auteur ni le brevet ne répondent adéquatement aux caractéristiques de la technologie numérique. « Du point de vue des créateurs, il pourra s’avérer intéressant de constater où se situera le compromis, sur le plan international, au sujet de l’étendue du droit de reproduction, du droit de communication au public, et des droits moraux. Du point de vue des usagers, il conviendra surtout de réévaluer les notions d’utilisation équitable et de créations dérivées, de manière à assurer au public un accès raisonnable aux oeuvres et à inciter les usagers à créer à leur tour. Enfin, la mise sur pieds d’un régime volontaire d’enregistrement des oeuvres protégées et le renforcement des recours contre les actes de contrefaçon constitueraient des mesures concrètes visant à adapter le système juridique aux particularités des oeuvres multimédias », constate Lucie Guibault, professeur adjoint à l’Université d’Amsterdam.
De manière générale, les contrats de droit d’auteur doivent prévoir tous les cas de figure quant à l’exploitation de l’oeuvre : droits de représentation/droits de reproduction ; supports envisagés; zone géographique (pour Internet, prévoir une exploitation mondiale, à quelques exceptions près) ; durée de cession (qui peut être égale aux droits de l’auteur : cession globale). La spécificité d’Internet est que l’accès à l’information est multiple. Les contrats doivent mentionner les supports existants, mais aussi prévoir la possibilité de publication pour médias présents et futurs. Les droits d’auteurs s’appliquent ainsi aux photos, extraits de films et textes, mais également à la représentation de produits ou d’emballages, comme les pochettes et CD ou les couvertures de livres.
Le numérique, en créant de nouveaux procédés de consultation et de circulation des oeuvres, remet en cause l’environnement dans lequel se sont développées les règles juridiques de protection des auteurs. La question de la territorialité est compliquée par l’avènement du numérique. Elle est cependant essentielle pour déterminer le tribunal compétent et surtout le droit applicable. L’identification des propriétaires des sites n’est pas toujours assurée, leur solvabilité non plus. Les fournisseurs de contenu peuvent être déclarés responsables, puisqu’ils ont connaissance des contenus que le site diffuse. Mais la question est controversée. Un des impacts du numérique sur le cinéma se manifeste surtout par le biais d’Internet : une fois que les films sont numérisés, le réseau Internet permet de les rendre accessibles partout dans le monde.
En Algérie, même si la majorité des salles de cinéma sont fermées, les Algériens peuvent regarder les films les plus récents sur DVD. C’est ainsi que certains films non diffusés par la télévision algérienne sont vues comme « Des hommes et des Dieux » de Xavier Beauvois ou le one man show de Fellag « Tous les Algériens sont des mécaniciens ». Et l’ONDA avec ses moyens limités de contrôle ne peut à lui seul lutter efficacement contre le piratage et la contrefaçon.
Yasmina Bairi : « On est les pros du piratage ! Moi, je télécharge mes livres et ma musique mais aussi des applications pour mon portable !! Le meilleur site pour l'hébergement de fichiers est Mediafire à mon avis ».
Sadek Rehab : « Je suis pour le piratage, mais je trouve que c’est une injustice pour les créateurs de films ou autres produits. Si on devait télécharger des films qui ont plus d’un an pourquoi pas, mais des films récents non, c’est purement et simplement du vol ».
Samir Bellik : « Le sujet est très complexe ! (…) Le piratage est un mot trop souvent utilisé à tort, un pirate ou hacker est très mal vu, et le mot a une connotation négative… (…) En effet, ailleurs dans le monde, le hacker est un bricoleur, et les plus grandes avancées dans l’univers des NTIC et de l’informatique en général sont faites par et pour les Hackers. Ces derniers sont porteurs de la philosophie de l’open source, une philosophie qui tend à rendre l’accès à la connaissance et à la technologie gratuite et accessible à tout le monde en tant que droit fondamental. De ce simple fait, le « piratage » est un acte de libre distribution des données. Les exemples qui nous en sont données sont des plateformes collaboratives telles que Wikipédia, Linux, Openoffice,… et j’en passe. D’excellents produits très pointus et complètement gratuits en libre distribution . Par contre, le partage de données tel que les films, les séries, la musique, les logiciels, les livres, … relève du domaine de la copie illégale de contenu protégé par le copyright. Copyright qui même dans le commerce en Algérie n’est pas reconnu. Chez Soli et chez d’autres enseignes, nous pouvons acheter à des prix dérisoires et en quantités illimités des copies de produits protégés par le copyright, sans qu’aucun centime ne soit redistribué aux auteurs. Plus problématique encore, même si nous voulions payer pour ces produits, nous n’avons aucun moyen légal de payer en ligne pour accéder à des plateformes telles que iTunes, Fnac, Amazon. (…) Ce qui nous ramène au problème de base, qui est le libre accès à l’information, la culture et la technologie !
(…) Nous sommes une génération qui a soif de connaissance et de contenu original, avec pas beaucoup de moyens, et avec un accès à des technologies qui nous permettent de télécharger en toute impunité, pourquoi s’en priver ? Personnellement, si je pouvais payer en ligne je le ferais pour les films ou musqiue ou logiciels qui valent le coup, en prenant en compte que el prix est abordable. Entre temps, je suis un grand fan des torrent et du peer-to-peer en général, qui est un excellent exemple de la philosophie open source, tout le monde partage et met à disposition des fichiers pour tout le monde ».
Yacine Satch : « Je fais partie d'un forum où je partage pleins d'albums, musiques, films et spectacles, ... mais il faut savoir que piratage et téléchargement illégal, ce n'est pas la même chose : je télécharge et je partage, mais je ne pirate pas. A propos, j'utilisais beaucoup MegaUpload, et maintenant j'utilise Rapidshare car Mediafire est limité à 200 Mo, ce qui fait qu’on ne peut pas héberger un film ».