Quelles sont les spécificités du journalisme IT ?Le journalisme électronique se distingue tout d’abord par son interactivité. Entre le journaliste et le lecteur, il y a un rapport continu du fait que les lecteurs contribuent à chaque fois à la fabrication et à la perception de l’information avec leurs commentaires publiés online et leurs participations dans le forum. Ces échanges incessants avec les internautes donnent une autre dimension au travail journalistique car le lecteur s’implique réellement dans notre travail. On est donc loin de la froideur du journalisme classique dont le support papier parait beaucoup plus accessible à une élite qu’à un large lectorat.
Pensez-vous que le passage du journalisme classique au journalisme sur Internet soit difficile pour les professionnels du métier, notamment les plus anciens ?Naturellement. En tout cas, il n’est pas aisé en Algérie qu’un journaliste habitué aux mécanismes de la rédaction de l’édition papier s’accommode facilement aux réflexes du journalisme Web. Sur la toile, l’instantanéité et l’immédiateté nous contraignent à être réactifs à l’actualité. Il faut donner l’information le plus rapidement possible. La retravailler aussi d’une manière concise et claire. Sur Internet, il n’y a pas de place pour les longs discours explicatifs. L’info doit être traitée et donnée en un temps record. Il faut aussi faire attention aux tags, dont beaucoup ne maîtrisent pas encore les fonctions, qui placeront ensuite notre information dans tous les moteurs de recherches. Il faut aussi connaître les différentes techniques de l’Editing. Bref, le journalisme Web nécessite la connaissance de plusieurs procédés et des outils informatiques nouveaux et inconnus jusque là pour la presse algérienne.
Croyez-vous que la presse classique disparaîtra au profit de la presse électronique ?Non, je ne le crois pas. En Algérie, nous sommes encore loins de vivre une telle situation. Ceci dit, la presse électronique va détrôner la presse papier avec le développement de la toile dans notre pays. Aujourd’hui, de plus en plus d’abonnés ADSL consultent uniquement la presse sur le Net. La presse papier va s’affaiblir à long terme car elle ne peut concurrencer l’interactivité et l’attractivité des sites d’informations. D’autre part, il faut dire que l’avenir de la presse électronique dépend surtout des évolutions du réseau Internet
dans notre pays. Et dans ce domaine, on accuse encore un grand retard par rapport à nos voisins.
Avec l’évolution des moyens technologiques, beaucoup d’amateurs font du « journalisme » sur Internet. Quel regard portez-vous sur ces internautes ?Le journalisme citoyen a sauvé notre pays de la censure que pratiquent les autorités politiques. Maintenant, aucun appareil d’Etat ne peut camoufler un scandale ou un évènement tragique. Grâce aux blogs, les algériens dénoncent et répercutent les infos. D’ailleurs, ces blogs sont pour nous une source d’information parmi tant d’autres à condition bien évidemment de vérifier la véracité de ce qui a été révélé. Le journalisme citoyen est une bouffée d’oxygène pour notre pays. Pourvu qu’il dure…
Vous avez vous-même travaillé en tant que journaliste dans la presse écrite et vous vous êtes reconverti dans la presse électronique. Qu’est-ce qui a changé dans votre travail ?Désormais, j’ai un autre regard sur mon métier. Je me sens réellement plus «connecté» à l’actualité. Il faut à la fois combiner la rapidité du travail et la qualité de l’information fournie. L’information est rapidement périmée et donc on est un peu le maître de l’actualité car on peut aussi créer l’évènement en donnant une information qui provoquera le buzz. Je sens aussi que j’arrive à répondre davantage aux préoccupations des lecteurs qui demandent un accès rapide et interactif à l’information. Je dois dire que le retentissement international de l’article Web est aussi impressionnant. En quelques minutes, votre papier fait le tour du monde et fait débat.
Quel est l’avenir de la presse électronique selon vous ?Honnêtement, à cause des lenteurs du développement des NTIC en Algérie et du manque de la manne publicitaire online, il sera très difficile à cette presse de s’épanouir. Seuls les sites d’informations installés à l’étranger peuvent pour le moment prétendre à la pérennité. Mais j’ai absolument confiance en cette presse car les annonceurs seront obligés de s’y intéresser vu que les prochaines générations seront très «connectées». Dans quelques années, le journalisme Web aura son mot à dire.
N'TIC 48 / OCTOBRE 2010